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Dupret Eleonore Diane

La voix des anges

Je connaissais mal Eléonore Diane Dupret lorsqu’elle me proposa pour la première fois de venir l’entendre chanter. C’était une audition publique dans le petit théâtre baroque de Chambéry, et les voix honnêtes se succédaient sans qu’il n’y ait de véritable « choc » musical, de cette transe dans laquelle l’excellente musique me plonge. Je ne suis pas musicienne mais je puis me qualifier sans rougir de mélomane ; la musique est ma grande passion et j’admire cet art en le défendant âprement de toute médiocrité.
Quand Eléonore parut sur scène, elle s’avança timidement à côté du piano et elle fit un petit signe de tête au pianiste. Elle ferma les yeux, inclina la tête comme pour une prière ; et une voix d’une puissance inouïe s’éleva, souffla sur les ors des balcons, s’engouffra dans les velours, imprégna les oreilles, gonfla les cœurs, et enfin me fit frissonner comme si j’étais amoureuse. Cette voix me sembla alors remonter d’une origine très ancienne, d’une légende, et j’eus du mal à en discerner l’origine humaine. Celle de qui sortait cette voix était pourtant là, devant moi, en chair et en os. Je fus extrêmement impressionnée.
Elle chanta du Fauré, Les Berceaux. Plus tard, quand nous devînmes proches, mon plus grand plaisir fut de l’entendre en avant-première sur toutes ses interprétations, au fur et à mesure que sa voix exceptionnelle prenait assurance et profondeur à force de travail. J’ai souvent pleuré en l’écoutant, comme on pleure devant une véritable œuvre d’art ; la grâce de son chant, qui oscille toujours entre puissance et légèreté, m’emplit à chaque fois d’un sentiment étrange, à mi-chemin entre évidence et tension. Une évidence qui trouve sa source dans la certitude de la beauté du cheminement de sa musique, et une tension qui ressemble à l’état de grâce presqu’amoureux que je ressentis à ma première écoute.
Je suppose que ma connaissance de la musique et des voix évolua dans le même temps que la voix d’Eléonore révélait tout son éclat, car bien qu’elle fut mon amie, je n’aurais pas hésité à la critiquer vertement. Elle ne m’en laissa jamais l’occasion.

Je crois que l’art véritable transporte au-delà du temps, et bien sûr, pour la musique, c’est encore plus évident que pour un autre art. Si Eléonore me semble être une grande artiste, c’est que l’écouter m’emporte dans un voyage au plus proche de notre humanité, au plus proche de la douleur, de la joie et de la beauté. L’écouter, cela m’aide à vivre, cela me transporte ailleurs tout en me ramenant à une vérité, qui est peut-être celle de l’incertitude de l’être. Elle n’est pas seulement une interprète rigoureuse, qui cherche en permanence la certitude du son ; elle est aussi une chercheuse de sens, une véritable artiste qui met en jeu sa personne pour l’amour de l’art. Il est en effet important pour un artiste d’allier une sensibilité extrême à une méthode rigoureuse et à un apprentissage de la connaissance des sources de l’art, qu’elles soient grecques, contemporaines ou autres.
Ecouter Eléonore Diane Dupret enfin, c’est découvrir une voix alto exceptionnelle, qui supporte et exalte Bach, Schumann, Vivaldi ou encore Fauré, pour n’en citer que quelques uns, jusqu’à leur accomplissement total ; une voix qui arrive à interpréter, j’en suis sûre, ce que ces compositeurs entendaient lorsqu’ils ont écrit leurs œuvres.

Dorothée Sers-Hermann
Septembre 2006

Dorothée Sers-Hermann est née en 1980. Après des études de philosophie à la Sorbonne, elle s’est tournée vers l’écriture et la peinture. Elle est l’auteur de plusieurs recueils de poésie ainsi que d’un roman, Présent Eternel. Son dernier recueil, Poésies, a été publié aux éditions La Porte en juin 2006. Elle vient également de terminer une peinture monumentale pour l’église Saint Lambert de Vaugirard (Paris 15ème).


 
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